End of the legend of negative measurements, comme promis
L'histoire continue. Après avoir prouvé que ses bananes étaient en dessous du seuil de tolérance, notre ami Miguel a pu se lancer dans l'exportation de ces dernières.
Ayant fait rapidement fortune, il s'est construit une piscine. Or étant radiophobe tout autant que bananophile, il souhaite s'assurer que l'eau de sa piscine n'est pas radioactive, ou tout au moins en dessous des seuil de tolérance (voir norme Xb12-116 sur la radioactivité des piscines).
Etant méfiant de nature, il fait prélevé 100 aliquotes de 1 litres de sa piscines qu'il envoi à 100 laboratoires différents (
je vous rappelle que l'on est dans une légende, et si je veux je peux mettre une princesse genre Paris Hilton à barboter dans la piscine, on a les princesses que l'on peut)
On dispose ainsi de 100 mesures différents d'échantillon d'eau de piscine, qui ne contiennent pas exactement la même activité, mesurés dans des conditions (durées de comptages, bruits de fond, rendements ) différents. On dispose ainsi de 100 résultats de mesures assez dispersés , avec leur incertitudes propres et leur seuil de décision propres
ça tombe bien car j'ai fait une petite simulation Monte-Carlo qui simule farpaitement tout cela. L'intérêt étant que l'on peut rentrer une concentration moyenne vraie de la piscine, puis de voir ce que les 100 labos vont inférer de leurs mesures, et de comparer le résultats final à la valeur vraie connue sans incertitude.
Nous allons ainsi pouvoir comparer 3 méthodes différentes pour 3 niveaux de valeur vraie :
Méthode 1 : on fait la moyenne pondérée (par le carré de l'inverse de l'incertitude) des valeurs de mesures telles quelles, négatives ou non, inférieures à leur seuil de décision ou non
Méthode 2 : on fait la moyenne pondérée mais en ne tenant pas comptes des valeurs de mesures négatives, parce que chez nous, nous sommes des gens sérieux et tout le monde sait très bien que les Bq négatifs ça n'existe pas. Ce n'est quand même pas pour rien que l'on porte des costards.
Méthode 3 : pour les mesures inférieures à leur seuil respectifs, on substitue la valeur de mesures par le seuil de décision avec une incertitude égale à ce même seuil. Il existe d'autre méthodes de substitution (LD, 3/LD, LD/Pi...) De façon générale on appelle cela "censurer les valeurs"
1er cas : l"activité moyenne vraie est égale à 30 Bq/L, et de façon générale la plupart des mesures sont significatives (positives , supérieures au seuil etc...

Sur le graphe de gauche j'ai représenté environ 25 mesures sur les 100, pour plus de clarté, et à gauche le résultat des 3 méthodes versus la valeur vraie. On voit qu'ici tout va bien, et les 3 méthodes convergent
Supposons maintenant que la concentration soit plus faible : 5 Bq/L. Voici les résultats :

On voit que seule la méthode 1 permet de bien estimer la valeur vraie, les 2 autres méthodes ayant tendances à surestimer celle-ci de façon significative
Et the must, supposons maintenant que la concentration soit nulle (
précisons : Miguel a peur du Plutonium 239, donc c'est une mesure en Pu 9 que vous faites, sinon on va m'objecter que la radioactivité naturelle patati et patata...)
Et voici les résultats pour les 3 méthodes :

Le résultat est sans appel : la suppression des mesures négatives pour la méthode 2 biaise le résultat vers le haut, et votre estimation vous dit qu'il y a 10 Bq/L+/- 5 de Pu9 dans la piscine, alors qu'il n'y a rien.
C'est ce que l'on appelle faire du "becqerel administratif"
La méthode par substitution par Sd est encore plus biaisée.
Voilà. Faut-il encore rajouter quelque chose? Le résultat parle de lui-même. Et bien qu'il soit aisé de prouver que ces méthodes sont biaisées, c'est ce que beaucoup d'institutions et de métrologues défendent bec et ongles, car ils répugnent à utiliser telles quelles des valeurs de mesures négatives ou inférieures au seuil.
Et je sais par expérience que la petite démonstration ci-dessus ne les fera pas changer d'avis. Faudra attendre la prochaine génération.
Tout ceci étant assez franco-français, voire européen. Les américains utilisent pour la plupart les valeurs négatives sans se jeter par la fenêtre.
Guidée en cela par Lyod Currie, l'auteur qui a remis de l'ordre dans tout cela à partir de 1968, ne faisant qu'utiliser des méthodes statistiques éprouvées depuis longtemps. Chez nous tout le monde le cite mais personne ne le lis.
Vous comprenez, ma brav'dame, ces gens qui utilisent des mesures négatives, c'est vraiment pas sérieux.
Gluonmou